Je m’appelle Léo, j’ai 10 ans, et mes parents se séparent. Quand ils me l’ont annoncé, j’ai eu l’impression que mon monde s’écroulait. J’avais entendu parler du divorce à l’école, certains de mes amis vivaient déjà avec un seul parent ou passaient une semaine chez papa et une semaine chez maman. Mais je ne pensais pas que ça pourrait arriver à moi. Je croyais que notre famille serait toujours la même, que peu importe les disputes, on resterait ensemble. Pourtant, du jour au lendemain, tout a basculé.
Quand tout change d’un coup
Avant, même s’ils se disputaient parfois, j’avais l’impression que c’était normal. Je pensais qu’ils s’aimaient quand même. Mais un jour, tout a changé. J’ai entendu des voix plus fortes que d’habitude, des mots que je ne comprenais pas toujours, et surtout, beaucoup de silence après. Puis, ils m’ont dit qu’ils allaient vivre dans des maisons séparées et que je devrais partager mon temps entre les deux. J’ai eu mal au ventre, je ne savais pas quoi dire. C’était comme si on m’arrachait une partie de moi, comme si mon quotidien devenait flou. J’avais envie de croire que c’était une erreur, qu’ils allaient se réconcilier. Mais les jours passaient, et rien ne redevenait comme avant.
J’observais les cartons qui s’empilaient dans l’entrée, les regards échangés entre papa et maman, lourds de tristesse ou de colère. Je sentais que quelque chose se brisait, mais je ne savais pas comment réagir. Devais-je en parler à mes amis ? Pleurer devant eux ? Faire semblant que tout allait bien ?
Est-ce que c’est de ma faute ?
La première chose qui m’est venue en tête, c’est : “Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?” J’ai repensé à toutes les fois où j’avais mal rangé ma chambre, où j’avais eu une mauvaise note, où j’avais été en colère contre eux. Peut-être que s’ils se disputaient, c’était à cause de moi ? Peut-être que si j’avais été plus sage, plus gentil, plus attentif, ils ne se seraient pas séparés ?
Puis maman m’a rassuré. Elle m’a dit que leur séparation n’avait rien à voir avec moi, que c’était une histoire entre eux. Papa aussi me l’a répété. Mais même en l’entendant, j’avais du mal à les croire. Comment était-ce possible ? Nous étions une famille, et maintenant, nous allions vivre dans des maisons différentes. Pourquoi ?
Parfois, je me réveillais en pleine nuit, en espérant que tout cela ne soit qu’un cauchemar. Mais le matin venu, la réalité me rattrapait. J’avais envie de poser des questions, mais j’avais peur des réponses. Je voulais comprendre sans entendre des choses qui pourraient me blesser davantage.
Entre deux maisons
Maintenant, j’ai deux chambres, une chez maman et une chez papa. Au début, ça semblait cool : deux anniversaires, deux Noëls, deux fois plus de cadeaux. Mais en réalité, ce n’est pas si amusant. J’oublie souvent mes affaires d’un côté ou de l’autre. Parfois, j’aimerais juste que tout redevienne comme avant, qu’on soit tous ensemble.
Quand je suis chez maman, elle me manque moins car je la vois tous les jours. Mais quand je suis chez papa, je pense à elle et je me demande si elle est triste sans moi. Je me sens coincé au milieu. Je n’ose pas trop parler de maman à papa, ni de papa à maman, comme si j’avais peur de les blesser. C’est comme si j’étais devenu un messager sans le vouloir, une petite valise qui se balade entre deux foyers.
Il y a aussi des jours où je ne sais plus où est ma maison. Chez maman ? Chez papa ? Les deux ? Aucun des deux ? Je voudrais que quelqu’un me dise comment faire pour que tout cela soit plus simple, mais personne ne semble avoir la réponse.
Les autres ne comprennent pas toujours
À l’école, mes copains ne réalisent pas toujours ce que je ressens. Certains me disent : “Oh, t’as de la chance, t’as deux maisons !” Mais moi, j’aurais préféré n’en avoir qu’une et que mes parents restent ensemble. Avoir deux maisons, ce n’est pas avoir deux fois plus de bonheur, c’est avoir deux fois plus de séparations, deux fois plus de manques.
D’autres posent des questions comme : “C’est qui ton parent préféré ?” Comme si je devais choisir. Mais je les aime autant l’un que l’autre, même s’ils ne vivent plus ensemble. Pourquoi faudrait-il que je fasse un choix ? Comme si aimer l’un signifiait trahir l’autre.
Il y a aussi ceux qui ne disent rien, qui baissent les yeux quand j’en parle. Comme si le divorce était une maladie contagieuse. Comme si le simple fait d’en parler leur faisait peur. Ça me fait me sentir encore plus seul.
Ce que j’aimerais dire à mes parents
J’aimerais qu’ils sachent que même si je ne pleure pas devant eux, ça me fait mal. Que même si je souris et que je continue à jouer, mon cœur est lourd parfois. J’aimerais qu’ils ne se disputent pas devant moi, qu’ils trouvent une façon d’être gentils l’un avec l’autre. J’aimerais qu’ils comprennent que ce n’est pas facile d’avoir deux maisons, de toujours devoir faire des valises.
J’aimerais qu’ils me rassurent plus souvent, qu’ils me disent que tout ira bien, même si j’ai du mal à les croire. J’aimerais qu’ils me laissent exprimer ma tristesse sans essayer de me convaincre que “ça ira mieux avec le temps“. Parce que pour moi, ce temps-là semble très long.
Et maintenant ?
Petit à petit, je m’habitue à cette nouvelle vie. Parfois, ça va, parfois ça ne va pas. J’apprends à m’adapter, à jongler entre les deux maisons, à trouver du réconfort là où je peux. Mais ce que je veux dire à tous les enfants qui vivent la même chose que moi, c’est : on n’est pas seuls. On a le droit d’être tristes, en colère, de poser des questions. Et surtout, on a le droit d’aimer nos parents autant qu’avant, même s’ils ne sont plus ensemble.
J’aimerais que les adultes comprennent que pour nous, ce n’est pas juste “une séparation”, c’est un bouleversement. Un monde qui change, une stabilité qui s’effondre. On a besoin d’eux pour nous aider à reconstruire quelque chose de nouveau, un équilibre différent, mais où on se sent quand même en sécurité.