Les mémoires du corps

Le titre peut paraître surprenant, car en général nous parlons plutôt de la mémoire intellectuelle et quotidienne, cependant  nous ne possédons pas une mémoire unique, mais plusieurs qui se superposent, s’intriquent et interagissent constamment. La mémoire fixe les expériences vécues, ainsi que les informations reçues et les restitue. Elle contribue à la construction psychique, intellectuelle et sensori-motrice de la personne.

L’héritage familial s’inscrit dans nos cellules dès la conception, toute notre vie va dépendre de cette rencontre, selon qu’elle sera heureuse ou malheureuse. Les cellules savent, tout y est inscrit. « La transmission transgénérationnelle, outre son aspect génétique, implique la mémoire », mais il s’agit de transmission de non dit sans souvenir dans l’appareil psychique, pas de pensée ni d’élaboration possible, c’est la répétition  qui est le signe de cette transmission inconsciente accompagnée de symptômes souvent somatiques.

Au cours de notre existence, nous mémorisons en permanence l’ensemble de nos apprentissages successifs, il est évident que, si nous n’avions aucune mémoire de nos apprentissages, nous oublierions tout au fur et à mesure. Qu’ils soient plaisants ou déplaisants  ces enseignements nous permettent de progresser. Ces apprentissages font naître des émotions  dans notre esprit et laissent des traces dans notre corps et l’ensemble est stocké dans notre mémoire, c’est l’engrammage. Ces émotions positives ou négatives du passé, peuvent être réactivées et réutilisées inconsciemment au présent, c’est ce qui explique qu’une peur, une colère ou une angoisse irraisonnée  peuvent resurgir au cours d’un évènement qui semblerait anodin s’il n’était pas analogique.

Le souvenir, se loge dans la mémoire, il est un moment, une situation, c’est une manifestation de l’esprit qui reconstruit le passé en le revivant à partir du présent, il n’est pas très fidèle, il est surtout une interprétation de la réalité. Quand le souvenir est trop douloureux il est oublié, mais cet enfouissement crée des symptômes souvent corporels.

La mémoire est faite de liens et d’associations de contextes et de natures différentes : visuels, olfactifs, auditifs, kinesthésiques, gustatifs et émotionnels, qui sont autant de voies d’accès au souvenir. Huit semaines après la conception « se mettent en place tous les récepteurs sensitifs qui feront de cet embryon un fœtus multipercevant et même hyperpercevant… le fœtus est en interaction continue d’abord avec sa mère, puis par sa mère, et plus ou moins avec son environnement »

– Le goût : le fœtus le découvre déjà dans le sein de sa mère, selon son alimentation, lors de l’absorption du liquide amniotique. Lié à l’oralité ce sens continue de se développer dès la naissance et s’accompagne du plaisir de la succion. Par la suite, nous avons tous des souvenirs liés aux mets préférés ou détestés de notre enfance, mais aussi liés aux contextes émotionnels de notre environnement, voire la fameuse madeleine de Proust !

– Le sonore, est perçu par le fœtus dès que les organes le permettent, les Tziganes le savent bien puisqu’ils jouent du violon pour imprégner le futur bébé de leurs variations. Plus près de nous, une mélodie entendue dans le sein de sa mère, le nourrisson se calmera lorsqu’il reconnaîtra cet air. Les musicothérapeutes utilisent la musique pour sensibiliser leur patient.

– Le toucher est sollicité dans les derniers mois de grossesse par la technique de l’haptonomie, accompagné de la voix, il permet au foetus de faire connaissance avec son père. Par la suite, de même que la voix de la mère représente une enveloppe sonore, le toucher à travers les soins corporels va constituer une enveloppe tactile. Dans les cas de maltraitance le toucher sera associé à la douleur et il faudra soigner longtemps la victime pour qu’elle se réconcilie avec son corps. « Dans les cas d’abus sexuels dans l’enfance…Pour certains sujets il n’existe pas de souvenirs de ces abus mais des inscriptions dans le corps »

– L’odorat est le sens le plus important chez les animaux, s’il persiste un certain temps chez le nourrisson – ce qui permet de le rassurer avec un vêtement de sa mère et avec son «doudou» – il s’affaiblit considérablement chez l’adulte. Les odeurs sont souvent liées aux souvenirs gustatifs. Mais il peut faire resurgir des souvenirs d’enfance de toutes sortes : certains psy pratiquent des thérapies à bases de senteurs très variées.

– Le visuel, c’est d’abord la rencontre entre le regard de la mère et son enfant, c’est grâce à ce regard qu’elle lui fait savoir qu’il existe et va contribuer à la construction du narcissisme primaire. La représentation visuelle est une élaboration à partir de l’image qui s’enracine dans le sensoriel et l’émotionnel. Ces représentations permettent de convoquer le souvenir et de les amener à la conscience. Au stade du miroir l’enfant prend conscience de sa différence avec sa mère et comprend que cet autre visage est le sien.

Pour conclure nous pouvons dire que « l’infinité des stimulations périphériques vont façonner non seulement le cerveau mais tous les organes, non seulement les aires sensitives, motrices, les thalamus et hippocampe mais toutes les régions mystérieuses et encore mal explorées, siège de la conscience et sans doute de l’inconscient . Cet inconscient mystérieux…réceptacle de tant d’évènements innomés dont le fameux héritage transgénérationnel. »

C’est pourquoi pour retrouver la source d’un symptôme corporel, rien de plus efficace que la technique de l’hypnose qui va faire ressurgir le traumatisme originel, et ce, surtout dans les cas d’abus sexuels, et par la même méthode la réconciliation avec le corps est assurée.

Bibliographie :

Emotion et mémoire le corps et sa souffrance. Aut : S.Cabee-Simper, Ed : Masson
De mémoire de fœtus , Aut : Edmée Gaubert, Ed : Souffle d’or

Vous avez aimé cet article ?

Laisser un commentaire

Trouver un psy près de chez moi !

1
0
Non
Formule
non
Non
Non