Il arrive parfois qu’un parent se sente dépassé, épuisé, vidé de toute énergie. Quand la fatigue devient chronique et que les tensions familiales s’accumulent, une pensée douloureuse peut surgir : je ne supporte plus mes enfants. Si cette idée choque encore, elle est pourtant bien plus répandue qu’on ne le croit. En France, de nombreux parents traversent des périodes où l’amour qu’ils portent à leurs enfants cohabite difficilement avec l’agacement, la frustration ou le rejet. Cette souffrance mérite d’être regardée en face, sans jugement, car elle révèle des réalités profondément humaines. Elle témoigne d’un besoin criant de reconnaissance, de soutien et de temps pour soi, des ressources devenues rares dans un quotidien familial souvent surchargé.
Quand l’épuisement parental devient insupportable
L’épuisement parental est un véritable mal du siècle. Selon une étude de la Fondation pour l’Enfance en 2021, ce phénomène touche toutes les catégories sociales et n’épargne personne. Il ne s’agit pas simplement d’être fatigué : on parle ici d’un état de détresse prolongée, où le parent n’a plus les ressources mentales et émotionnelles pour faire face aux exigences de la vie familiale. Cet épuisement peut se traduire par des troubles du sommeil, des pleurs fréquents, une perte de patience ou encore une hypersensibilité face au bruit ou aux sollicitations des enfants.
Près d’un parent sur deux déclare avoir déjà ressenti un épuisement dans son rôle parental.
Fondation pour l’Enfance, Rapport 2021
Dans ces moments de saturation, la moindre demande d’un enfant peut devenir insupportable. L’envie de fuir, de s’isoler ou même de crier est présente. Il arrive alors que le parent prononce à voix haute ou pense à voix basse : “je n’en peux plus de mes enfants”. Cette réaction est le symptôme d’un profond mal-être, et non un jugement définitif sur l’amour parental. Elle est souvent l’expression d’un trop-plein émotionnel que le parent n’a pas pu verbaliser autrement, faute d’espace d’écoute ou de reconnaissance de sa souffrance quotidienne.
L’ambivalence parentale : aimer ses enfants sans les supporter
L’ambivalence parentale est cette expérience troublante où l’on peut aimer ses enfants très fort tout en ressentant une incapacité temporaire à les supporter. Cette dualité, bien que normale, est rarement exprimée ouvertement. Dans une société qui glorifie la parentalité, reconnaître que l’on étouffe face à ses enfants est tabou. Pourtant, ce sentiment est partagé par de nombreuses mères et pères qui culpabilisent de ne pas être à la hauteur de l’idéal parental. Ils oscillent entre un attachement profond et une lassitude extrême, entre tendresse et irritation, entre désir de proximité et besoin de distance.
Il est possible d’aimer ses enfants et de douter de sa capacité à continuer à les élever sans craquer. L’ambivalence ne remet pas en cause l’attachement, mais révèle la charge émotionnelle d’un quotidien souvent trop lourd. Ce décalage entre ce que l’on ressent et ce que l’on croit devoir ressentir peut accentuer le sentiment de solitude et de honte. Lorsqu’un parent garde ces émotions pour lui, sans les partager, il peut avoir l’impression d’être seul au monde à ressentir ce tiraillement, alors qu’il est en réalité très courant.
La souffrance parentale est plus fréquente qu’on ne le pense
De nombreux parents vivent dans le silence leur souffrance quotidienne. Une étude de l’Observatoire de la parentalité en 2022 a mis en évidence que :
37 % des parents disent avoir déjà eu le sentiment de perdre le contrôle dans leur rôle.
Observatoire de la parentalité, Enquête 2022
Pourtant, peu osent en parler, de peur d’être jugés, incompris, ou pointés du doigt comme de “mauvais parents”. Ce silence alimente la culpabilité et l’isolement, et empêche parfois d’accéder à l’aide dont on aurait besoin.
Le discours sociétal entretient l’idée que la parentalité est une joie constante, un accomplissement épanouissant. Cette vision idéalisée renforce le décalage entre le réel et l’imaginaire, laissant peu de place à la vulnérabilité. Or, ne plus supporter ses enfants ponctuellement est un signal d’alerte qu’il faut entendre, car il peut précéder des troubles plus graves comme la dépression parentale ou le burn-out familial. Ces épisodes de saturation sont des marqueurs de la surcharge vécue, et non des signes d’incompétence.
Il est essentiel de comprendre que cette souffrance n’est ni marginale ni honteuse. Elle est partagée par de nombreux parents, souvent invisibles, qui tiennent bon malgré la douleur. Leur parole mérite d’être entendue, et leurs émotions légitimées, sans minimisation ni jugement.
La charge mentale familiale pèse lourdement sur les parents
La charge mentale est l’un des facteurs majeurs de cette souffrance. Gérer les repas, les horaires, les émotions des enfants, les devoirs, les lessives, tout en assurant une carrière et une vie sociale relève parfois du tour de force. Cette surcharge invisible affecte principalement les mères, mais concerne également les pères, de plus en plus impliqués dans l’éducation. Chaque tâche mentale, chaque anticipation, chaque souci logistique ou émotionnel alourdit le quotidien jusqu’à rendre l’ensemble difficilement supportable.
Selon une recherche menée par l’Institut de Recherche en Sciences Psychologiques de l’UCLouvain :
Le burnout parental touche aujourd’hui près de 5 à 8 % des parents, avec un pic chez les mères ayant plusieurs enfants en bas âge.
Institut de Recherche en Sciences Psychologiques, UCLouvain, 2021
L’isolement parental accroît le mal-être quotidien
Un parent seul face à ses responsabilités est un parent vulnérable. L’isolement social, qu’il soit choisi ou subi, empêche souvent l’expression des difficultés. Sans espace pour souffler, pour échanger, pour relâcher la pression, la sensation de ne plus supporter ses enfants peut s’intensifier. L’absence de soutien familial, l’éloignement des amis, ou un conjoint peu impliqué peuvent étendre ce sentiment de solitude. Cette solitude est d’autant plus douloureuse qu’elle se vit dans un environnement où l’on attend des parents qu’ils soient disponibles, investis et toujours patients.
La pandémie de COVID-19 a d’ailleurs amplifié ce phénomène : de nombreux parents ont vu leur réseau de soutien s’effondrer. Les écoles fermées, le télétravail avec enfants à domicile et l’absence d’aide extérieure ont créé une situation extrêmement tendue. Beaucoup ont alors reconnu avoir pensé qu’ils ne supportaient plus leurs enfants, non pas par manque d’amour, mais par manque d’espace psychique. Cette épreuve collective a mis en lumière la fragilité de l’équilibre familial et l’importance vitale du lien social dans le rôle parental.
Ce lien, qu’il soit amical, familial ou professionnel, agit comme un filet de sécurité émotionnelle. Il permet de déposer ce qui pèse, de se sentir compris et soutenu. Sans lui, la tension monte inexorablement, et la sensation de saturation devient plus aiguë, plus fréquente, plus douloureuse.
Dire qu’on ne supporte plus ses enfants sans culpabiliser
Exprimer qu’on ne supporte plus ses enfants est souvent perçu comme une faute morale. Pourtant, cette expression peut être un premier pas vers la compréhension de son propre mal-être. Il est essentiel de rappeler que cette déclaration ne signifie pas un rejet profond ou un abandon. Elle est la traduction d’un trop-plein, d’une urgence à être entendue. Elle peut aussi être une forme d’alerte intérieure qui dit : “Je ne peux plus continuer ainsi, j’ai besoin d’aide”.
Pour sortir du silence, certains parents choisissent de consulter un psychologue, d’échanger dans des groupes de parole ou simplement d’en parler à un proche de confiance. C’est en brisant le tabou que l’on allège le poids de la culpabilité. Il est temps de normaliser ces états de crise temporaire, de reconnaître que la parentalité n’est pas toujours un long fleuve tranquille. La parole, loin d’être un aveu de faiblesse, devient alors un acte de responsabilité. Elle ouvre la porte à une meilleure connaissance de soi, à une reconnexion avec ses besoins, et à la possibilité de réajuster la dynamique familiale.
Dans certains cas, ce sentiment d’épuisement parental peut être dirigé vers un enfant en particulier. De nombreux parents évoquent, parfois avec honte, une lassitude plus marquée envers leur fille. Lorsqu’un malaise s’installe dans cette relation, il peut être utile d’en explorer les causes, comme le montre l’article consacré à ceux qui pensent : je ne supporte plus ma fille !.
D’autres parents, au contraire, se sentent davantage en difficulté avec leur fils. Que cela soit lié à un tempérament difficile, des conflits récurrents ou une tension émotionnelle persistante, la relation parent-fils peut devenir éprouvante au quotidien. Lorsqu’un père ou une mère en vient à se demander pourquoi il ou elle ne supporte plus son fils, il est important d’explorer cette souffrance plus en profondeur, comme le fait l’article : Je ne supporte plus mon fils.
Ne plus supporter ses enfants ne fait pas de vous un mauvais parent
Dire “je ne supporte plus mes enfants” est une alerte, pas une condamnation. Cela signifie que quelque chose ne va pas et qu’il est légitime de chercher de l’aide, du répit, de la compréhension. Reconnaître sa souffrance est déjà une preuve de responsabilité et d’amour, car cela ouvre la voie à un apaisement possible. L’important est de ne pas rester seul avec cette pensée. En la partageant, on découvre souvent que d’autres parents vivent les mêmes moments de doute et d’essoufflement.
Être un bon parent, ce n’est pas ne jamais faillir. C’est savoir écouter les signaux de détresse intérieure et y répondre avec bienveillance. C’est accepter ses limites humaines et refuser l’illusion de perfection. Car derrière chaque parent qui pense ne plus supporter ses enfants, il y a un cœur épuisé qui demande simplement à être entendu, reconnu et soutenu.