La scène est familière pour de nombreux praticiens : un patient prend rendez-vous, semble motivé, se présente à sa première séance de psychothérapie… puis disparaît. Aucun message, aucun second rendez-vous. Ce phénomène, frustrant pour les thérapeutes et souvent douloureux pour les patients eux-mêmes, soulève une question centrale : qu’est-ce qui pousse certaines personnes à interrompre leur démarche thérapeutique dès la première rencontre, alors même qu’elles ont fait l’effort de franchir la porte d’un cabinet ?
Attentes irréalistes face à la première séance de psychothérapie
Nombreux sont les patients qui entament une psychothérapie avec l’espoir d’un soulagement rapide, voire immédiat. La souffrance psychique, parfois intense, peut créer une forme d’urgence psychologique qui pousse à attendre de cette première séance un changement radical ou une réponse directe à leur mal-être. On espère un déclic, une révélation, une guidance précise. Pourtant, la réalité du travail thérapeutique repose davantage sur la régularité, la profondeur et le temps. C’est un processus progressif, souvent lent, fait de découvertes successives et de prises de conscience étalées dans la durée. Lorsqu’ils réalisent cela dès la première rencontre, certains peuvent être déroutés, voire déçus. Cette inadéquation entre leurs attentes et la réalité clinique du cadre thérapeutique peut suffire à provoquer un abandon précoce, parfois définitif.
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Abandon de la thérapie lié à une ouverture émotionnelle trop brutale
Parler de soi, de ses difficultés, de ses fragilités intimes ou de ses blessures d’enfance n’est jamais anodin. Cela demande un effort considérable, surtout lorsqu’on n’a jamais été en position de le faire auparavant. Pour certains, le fait même d’être invité à se confier, à regarder en face des émotions enfouies depuis longtemps, provoque un choc émotionnel. Cette ouverture brutale peut engendrer un profond sentiment de vulnérabilité, voire de danger psychique. Le patient se sent exposé, mis à nu, parfois jugé (même si ce n’est pas le cas). Il peut alors adopter une posture défensive : la fuite. Ne pas revenir devient une manière de se protéger, de refermer une porte qui a été ouverte trop rapidement. Ce mécanisme de défense est fréquent, surtout chez les personnes ayant vécu des traumatismes ou des relations insécures.
Quand l’alliance thérapeutique ne se construit pas dès le début
La qualité de la relation thérapeutique est un facteur déterminant dans la réussite d’un accompagnement psychologique. Elle repose sur la confiance, la sécurité perçue et la qualité de l’écoute. Si, dès la première séance, le patient a l’impression de ne pas être compris, entendu, ou qu’il ne se reconnaît pas dans la posture du thérapeute, l’alliance thérapeutique peut échouer à s’établir. Parfois, c’est une question de style : un ton trop neutre, une attitude trop réservée ou au contraire trop directive, peuvent heurter la sensibilité du patient. D’autres fois, c’est le cadre même (lieu, durée, disposition physique) qui ne rassure pas. Dans ces cas-là, plutôt que d’exprimer leur malaise, de nombreux patients choisissent simplement de ne pas revenir, sans explication.
La peur du changement déclenchée par la psychothérapie
S’engager dans une thérapie, c’est accepter l’idée de changer. Mais ce changement, aussi bénéfique soit-il, fait peur. Il menace un équilibre, même bancal, auquel on s’est habitué. Certaines personnes redoutent ce qu’elles pourraient découvrir sur elles-mêmes, ou sur leur histoire. D’autres craignent que ce processus de transformation les éloigne de leurs proches, remette en cause certaines valeurs ou suscite des conflits internes. La psychothérapie, en venant perturber des schémas ancrés, peut provoquer un sentiment d’instabilité. Ce vertige face à l’inconnu agit comme un puissant facteur de blocage. Pour beaucoup, il est plus rassurant de rester dans une souffrance connue que de s’aventurer dans une exploration de soi dont on ne maîtrise ni le rythme ni les conséquences.
Raisons pratiques d’un abandon après la première séance
Il ne faut pas négliger les facteurs externes, plus concrets, qui peuvent expliquer un abandon dès le début de la thérapie. Des contraintes logistiques comme un emploi du temps chargé, des horaires incompatibles, un lieu de consultation difficile d’accès ou un déménagement soudain peuvent empêcher la poursuite des séances. Des considérations financières entrent aussi en jeu : certaines personnes prennent conscience, après coup, du coût global de la psychothérapie et n’osent pas en parler au thérapeute. D’autres se laissent influencer par leur entourage, qui peut minimiser ou stigmatiser leur démarche. Enfin, si la première séance leur a semblé trop floue, trop distante, ou trop centrée sur le cadre plutôt que sur les émotions, ils peuvent conclure trop hâtivement que ce type d’accompagnement n’est pas fait pour eux.
Incompréhension du cadre thérapeutique et de ses objectifs
Beaucoup de personnes arrivent en thérapie avec une représentation erronée de ce qu’elles vont y vivre. Elles s’attendent à recevoir des conseils concrets, des solutions toutes faites ou un plan d’action structuré. Lorsque le thérapeute adopte une posture non directive, centrée sur l’écoute, la reformulation et la mise en lumière de ce qui se joue inconsciemment, cela peut créer un sentiment de flou ou d’inefficacité. Le patient, habitué à des logiques de performance ou de résultats immédiats, peut mal interpréter cette posture comme un manque d’implication ou de compétence. Ce malentendu est souvent le fruit d’une méconnaissance du métier de psychothérapeute, mais aussi du fonctionnement même de l’accompagnement psychologique.
Mécanismes d’auto-sabotage dans la démarche thérapeutique
Il existe des résistances profondes au changement, parfois inconscientes, qui peuvent saboter une démarche thérapeutique avant même qu’elle n’ait commencé. Certains patients s’autocensurent ou fuient lorsqu’ils pressentent qu’ils pourraient effectivement aller mieux. Pourquoi ? Parce que guérir, c’est aussi perdre certains repères : le rôle de victime, le soutien des proches, la justification de certains comportements ou le bénéfice d’une forme de compassion. Ces “bénéfices secondaires” de la souffrance peuvent être puissants. Par ailleurs, des sentiments d’indignité, de honte ou de culpabilité peuvent également empêcher un individu de s’autoriser à aller mieux. Ce sont ces mécanismes invisibles, mais très actifs, qui peuvent expliquer pourquoi une personne motivée ne donne plus jamais suite après une seule séance.
Première séance de psychothérapie et surcharge émotionnelle
La première rencontre peut parfois réveiller de très anciennes douleurs. Lorsqu’un thérapeute parvient, en quelques minutes, à poser des mots justes sur une problématique restée silencieuse depuis des années, cela peut provoquer une déflagration émotionnelle. Ce choc, aussi salutaire soit-il, est parfois vécu comme insupportable. Le patient se sent déstabilisé, dépassé par l’intensité de ce qui a été évoqué, ou de ce qui a surgi en lui. Plutôt que de continuer, il peut chercher à refermer cette brèche aussi vite qu’elle s’est ouverte. Le silence, l’évitement ou l’abandon deviennent alors des stratégies de protection face à une expérience émotionnelle perçue comme trop intense.
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L’abandon comme reflet de la souffrance psychique profonde
Il est essentiel de comprendre que certains abandons précoces disent quelque chose de l’état psychique du patient. Chez des personnes souffrant de troubles de l’attachement, de traumatismes anciens ou de troubles de la personnalité, la constance dans la relation peut être extrêmement difficile à maintenir. Venir une fois est déjà un exploit ; revenir demande un effort que l’état interne ne permet pas toujours. Le retrait, le silence, ou la disparition soudaine sont alors à interpréter non comme un rejet du thérapeute ou du cadre, mais comme une manifestation du trouble lui-même. Dans ces cas-là, il est précieux que le professionnel garde une posture compréhensive, sans jugement, et reste ouvert à un éventuel retour du patient, parfois bien plus tard.
Mieux accueillir pour favoriser la continuité thérapeutique
Pour favoriser l’engagement dès la première séance, les professionnels peuvent veiller à clarifier le cadre, à expliquer les objectifs de la thérapie, à valider les émotions ressenties, et à offrir un espace sécurisant, même dans le flou des débuts. Il ne s’agit pas de convaincre, ni de retenir à tout prix, mais d’accompagner avec douceur et fermeté la prise de contact avec soi-même. Une posture ouverte, bienveillante et claire aide souvent à désamorcer certains malentendus, et à renforcer la motivation initiale du patient. De petites attentions peuvent suffire à rassurer, à donner envie de revenir, à construire progressivement cette fameuse alliance thérapeutique qui fait toute la différence.
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