Depuis quelques années, le monde du travail est marqué par l’apparition de nouvelles tendances et terminologies. Après le quiet quitting, qui désignait le fait de limiter son engagement professionnel au strict minimum, c’est au tour du quiet hiring, ou recrutement discret, de faire parler de lui. Ce phénomène repose sur l’utilisation de ressources internes pour combler des besoins en personnel, plutôt que de recruter en externe.
Derrière cette stratégie, des avantages indéniables pour les entreprises, mais aussi des conséquences parfois lourdes pour les salariés. Cette approche est-elle une simple ruse managériale ou une véritable stratégie efficace ? Damien Richard, enseignant-chercheur à l’INSEEC et spécialiste en management et santé au travail, apporte son éclairage sur le sujet dans une interview accordée à Radio France.
Le Quiet Hiring : un concept ancien sous un nom moderne
Si le terme quiet hiring semble récent, la pratique, elle, ne l’est pas. Comme l’explique Damien Richard, les entreprises ont toujours misé sur leurs ressources internes pour combler des départs ou faire face à des périodes de forte activité. Il s’agit d’une réponse directe au quiet quitting, où certains salariés choisissent de ne pas aller au-delà de leurs missions habituelles.
Le quiet hiring fonctionne de deux manières principales : soit un employé voit ses responsabilités évoluer sans qu’un recrutement officiel ne soit effectué, soit une promotion interne est proposée en lieu et place d’une embauche externe. Cette approche permet aux employeurs de réduire les coûts de recrutement et de s’assurer que les salariés en place possèdent déjà les compétences et la connaissance de l’entreprise. Cependant, ce processus ne garantit pas toujours une rémunération à la hauteur des nouvelles responsabilités confiées.
Une stratégie avantageuse pour les entreprises
Les entreprises trouvent plusieurs avantages à appliquer le quiet hiring. Tout d’abord, cette méthode répond à un enjeu financier majeur : le contrôle de la masse salariale. Comme le souligne Damien Richard, “il va falloir faire un peu plus, un peu mieux, avec les mêmes ressources ou parfois avec un peu moins de ressources“.
En recrutant discrètement en interne, les employeurs peuvent aussi éviter les coûts liés à l’embauche :
- Pas de frais de recrutement
- Pas de formation initiale longue
- Pas de période d’adaptation prolongée
En outre, cette stratégie favorise la montée en compétences des collaborateurs et renforce leur implication. Un salarié promu en interne connaît déjà les rouages de l’entreprise, ce qui peut accélérer la prise de poste et améliorer la productivité. Toutefois, cette approche comporte des limites si elle est appliquée sans mesures d’accompagnement, comme une formation adaptée ou un ajustement salarial.
Les risques pour les salariés : surcharge et manque de reconnaissance
Si le quiet hiring semble bénéfique pour les entreprises, les salariés, eux, peuvent en subir les effets négatifs. L’un des premiers problèmes soulevés par Damien Richard est la surcharge de travail. Lorsqu’un employé se voit confier des responsabilités supplémentaires sans réelle reconnaissance salariale ou statutaire, cela peut entraîner un sentiment d’injustice et de frustration.
Certains salariés se retrouvent à effectuer des missions complexes, pensant obtenir une promotion, mais sans garantie réelle d’évolution. Un poste peut être “promis” à un salarié, qui commence alors à réaliser les tâches correspondantes sans reconnaissance immédiate. Cette situation peut créer un climat de tension et une baisse de motivation.
Quiet Hiring et évolution du recrutement : une nouvelle norme ?
Le quiet hiring remet en question les méthodes traditionnelles de recrutement. Comme le souligne Damien Richard, “la meilleure façon de recruter quelqu’un est-elle de lui demander un CV rédigé par une intelligence artificielle, puis analysé par une autre IA, ou bien de l’observer directement en situation de travail ?“.
Dans de nombreux pays, notamment en Angleterre et en Europe du Nord, cette approche est déjà bien ancrée. Les entreprises préfèrent évaluer les compétences des candidats à travers des mises en situation réelles plutôt que par des entretiens formels. Ce modèle pourrait progressivement s’imposer à l’échelle mondiale, modifiant durablement les processus de recrutement et d’évaluation des talents.
Une tendance managériale en pleine expansion
Face à la montée en puissance du quiet hiring, un équilibre doit être trouvé entre efficacité organisationnelle et respect des droits des salariés. Cette pratique peut être une opportunité si elle est accompagnée d’une véritable reconnaissance : augmentation salariale, formation, perspectives d’évolution.
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