Dans un monde où l’on cherche de plus en plus à se recentrer, les pratiques d’attention à soi se multiplient. Deux approches en particulier suscitent l’intérêt : le Focusing et la méditation de pleine conscience. Souvent confondues ou utilisées de façon interchangeable, elles reposent pourtant sur des fondements bien différents. Si elles partagent une volonté commune de mieux se connaître, leurs modalités d’accès à l’expérience intérieure et leurs visées sont très contrastées. Quelles sont leurs spécificités, leurs objectifs, et que peuvent-elles apporter à ceux qui cherchent à mieux se comprendre, se reconnecter à eux-mêmes, ou avancer dans une démarche de développement personnel ou thérapeutique ?
Focusing : une méthode d’écoute intérieure née en psychothérapie
Le Focusing a été développé dans les années 1960 par le philosophe et psychothérapeute Eugene Gendlin. Issu de la recherche en psychothérapie humaniste, il repose sur la notion de “sens corporel” (felt sense), une perception vague, mais signifiante, que l’on ressent dans le corps.
Cette approche consiste à porter attention à ces sensations internes encore floues pour les laisser se clarifier, sans chercher à les analyser mentalement. Par exemple, on peut sentir “quelque chose” dans la poitrine ou le ventre, sans savoir ce que c’est. Le Focusing propose de dialoguer avec cette sensation, de lui laisser le temps d’émerger et de se déployer en images, mots ou compréhensions nouvelles.
C’est une façon douce mais puissante de donner une voix à ce que notre esprit rationnel ne peut pas toujours exprimer. Le corps, dans cette approche, est considéré comme un partenaire intelligent du processus de compréhension de soi. Il porte des informations subtiles, souvent précises, sur nos difficultés, nos besoins ou nos blocages.
Utilisée en accompagnement psychothérapeutique, cette méthode permet de renouer avec son expérience subjective profonde, souvent ignorée au profit du discours mental. Elle s’inscrit dans un cadre d’introspection guidée, à visée de transformation personnelle. Elle est particulièrement appréciée dans les approches centrées sur la personne, où le respect du rythme individuel et l’autonomie du patient sont valorisés.
Selon un rapport de la Focusing Institute (2021), cette approche favorise une meilleure régulation émotionnelle et un développement de la clarté intérieure dans le cadre d’une psychothérapie centrée sur la personne. Elle encourage l’auto-découverte et renforce le sentiment d’agency, c’est-à-dire la capacité d’agir en lien avec son expérience propre.
La méditation de pleine conscience : une attention centrée sur le moment présent
La méditation de pleine conscience, ou mindfulness, trouve ses racines dans la tradition bouddhiste, mais a été popularisée dans sa version laïque par Jon Kabat-Zinn dans les années 1970. Elle consiste à porter une attention volontaire, sans jugement, à l’instant présent : respiration, sensations corporelles, bruits, pensées qui passent.
Cette pratique vise à développer la conscience de ce qui est, sans chercher à changer l’expérience. Elle n’implique pas de dialogue intérieur ni de recherche de signification. Le but est l’accueil pur et simple de chaque instant, tel qu’il se présente, avec ses agréments ou ses inconforts.
Elle se pratique souvent en position assise, les yeux fermés, mais peut aussi s’intégrer dans les activités quotidiennes : manger, marcher, respirer. L’objectif est d’entrer en contact avec l’expérience directe, sans filtre ni réaction automatique, ce qui permet de sortir du pilotage automatique souvent dominant dans nos vies modernes.
De nombreuses études scientifiques ont montré ses bienfaits sur la réduction du stress, de l’anxiété, et de la dépression. D’après un rapport publié dans JAMA Internal Medicine (2014), huit semaines de méditation de pleine conscience suffisent à induire des effets positifs mesurables sur la santé mentale. Elle est désormais utilisée dans de nombreux protocoles médicaux, à l’hôpital ou en cabinet, et se démocratise dans les entreprises, les écoles et même les prisons.
Focusing vs pleine conscience : des objectifs différents pour se reconnecter à soi
Malgré leur apparente similitude, les deux approches poursuivent des buts différents. Le Focusing invite à explorer activement une sensation interne pour en extraire une compréhension nouvelle. Il engage une forme de dialogue avec soi-même, orienté vers la transformation, même si celle-ci reste douce et respectueuse du rythme interne.
La méditation de pleine conscience, elle, invite plutôt à l’observation détendue de l’instant présent, sans finalité autre que celle d’être conscient de ce qui est. Il n’y a pas de recherche de sens ni de transformation immédiate. La posture est davantage contemplative, avec une attitude d’accueil inconditionnel, d’ouverture bienveillante.
En ce sens, la pleine conscience peut être considérée comme une forme d’entrainement de l’attention, alors que le Focusing est un processus orienté vers une forme de dialogue corporel et émotionnel. Les deux outils ne se remplacent pas : ils s’adressent à des besoins différents, parfois complémentaires.
Temporalité du Focusing et de la pleine conscience : instant présent ou ressenti profond ?
Autre différence majeure : la manière dont le temps est abordé. La pleine conscience ramène systématiquement au présent. Elle entraîne l’esprit à revenir ici et maintenant, à chaque distraction. C’est un travail de stabilisation de l’attention dans le flux de l’instant.
Le Focusing, au contraire, accepte le mouvement du ressenti qui peut faire surgir des souvenirs, des peurs latentes, ou des tensions corporelles anciennes. Il permet d’approfondir l’expérience interne dans une temporalité plus fluide et introspective, souvent liée à des dimensions psychiques plus profondes.
Ce qui remonte à la surface pendant un temps de Focusing peut appartenir au passé, à un non-dit, à un conflit interne, ou à une intuition émergente. Il s’agit alors de donner un espace de déploiement à ces signaux corporels souvent ignorés, pour leur permettre de livrer un message personnel significatif.
Approches complémentaires : intégrer Focusing et pleine conscience en psychothérapie
Ces deux approches peuvent être combinées, notamment en accompagnement psychologique. Le Focusing peut être utilisé pour explorer en profondeur un ressenti préalablement observé en pleine conscience. Inversement, la pleine conscience peut préparer le terrain en ancrant la personne dans le moment présent, condition préalable à toute introspection fine.
Elles sont souvent intégrées dans les approches psychothérapeutiques dites “intégratives”, qui ne se limitent pas à une seule méthodologie. Le choix d’utiliser l’une ou l’autre, ou les deux, dépendra du moment du suivi, de la structure psychique du patient, ou de son aptitude à plonger dans son vécu corporel.
De nombreux praticiens utilisent aujourd’hui ces deux approches de manière complémentaire, adaptées à la personnalité et aux besoins du patient. L’objectif reste de favoriser une rencontre authentique avec soi-même, dans un cadre sécurisant, respectueux et soutenant.
Focusing et pleine conscience : deux approches précieuses pour explorer son monde intérieur
Bien que proches dans leur apparence, le Focusing et la méditation de pleine conscience se distinguent par leur intention, leur temporalité, et leur mode de relation au ressenti. Le premier explore activement le sens des sensations internes, là où la seconde accueille ce qui est, sans intention de transformation.
Toutes deux offrent des chemins différents mais convergents vers une meilleure connaissance de soi, une réduction du stress, et un ancrage plus profond dans l’expérience humaine. Le choix entre ces deux pratiques peut être guidé par le moment de vie, la sensibilité personnelle ou le cadre dans lequel on souhaite s’inscrire (autonome, accompagné, thérapeutique, spirituel…).
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